De tous les trésors du Yoga, Kapâlabâthi est sans nul doute l’un de ceux que j’admire le plus. Son équilibre, son unité, son dépouillement et sa profondeur sont sans égal.
Qu’y a-t-il de plus précieux que la joie de vivre, l’enthousiasme et
l’aspiration élevée que cette pratique nous permet d’atteindre ? A toute
personne à qui je souhaite du bien je recommande Kapâlabâthi, et sa mise en œuvre régulière.
La présentation qui est ici faite de Kapâlabâthi correspond à une pratique de base, un niveau de familiarisation.
1. Signification :
Kapâlabâthi porte
merveilleusement bien son nom. Il existe en effet une remarquable
adéquation entre ce mot et l’expérience intérieure à laquelle conduit sa
mise en oeuvre.
Kapâlabâthi est un mot sanskrit composé de Kapâla qui désigne « la tête », « le crâne » et Bhâti qui signifie « faire briller, nettoyer ».
Kapâlabâthi assure donc le nettoyage du crâne et son scintillement.
Comme de nombreuses pratiques du Yoga, le terme Kapâlabâthi revêt plusieurs significations : matérielle, psychologique et énergétique.
D’un point de vue grossier, le crâne désigne les conduits respiratoires de la tête : les narines, les fosses nasales et les sinus. Cette « tuyauterie » va ainsi être nettoyée par l’exercice.
D’un point de vue psychologique, le crâne désigne l’esprit. Kapâlabâthi apporte ainsi clarté, discernement dans notre conscience.
Au niveau subtil, énergétique, le crâne désigne la roue d’énergie située entre les deux yeux : Ajna chakra. Kapâlabâthi va ainsi activer ce centre et permettre la perception d’une lumière à cet endroit.
2. Le placement du corps
Kapâlabâthi se pratique en posture méditative : lotus (padmasana), posture parfaite (siddhasana), posture de la foudre (vajrasana), ou, à défaut, en tailleur (sukkhasana).
Rappelons l’essentiel : la colonne doit être parfaitement droite et
verticale, le menton bien rejeté en arrière pour permettre la
circulation correcte de l’énergie.
La cage thoracique est bien ouverte, ce qui signifie que les muscles
intercostaux se trouvent mobilisés, les cotes bien écartées. Durant tout
l’exercice le torse demeurera statique et bien bombé: il ne se refermera pas à l’expiration.
Au début, les extrémités des doigts de la main droite seront placées au
niveau du nombril (voir plus loin). Une fois la mise en route de
l’exercice correctement effectuée, les mains seront placées en jnana mudra : pouce et index en contact, les autres doigts tendus.
Les yeux reposent, fermés, durant tout l’exercice.
3. La technique
· Des principes simples
La pratique comprend la mise en œuvre de principes élémentaires: on accomplit une série d’expirations en expulsant l’air par les deux narines de façon vigoureuse, rapide et complète.
Revenons brièvement sur les trois caractéristiques de cette expiration
qui la distinguent nettement de nos respirations ordinaires.
En raison de sa puissance, chaque expiration s’apparente quasiment à une déflagration. On déclenche ainsi la plus vigoureuse expiration que l’on puisse fournir.
Du fait de la rapidité de son expulsion, l’air se trouve chassé des poumons en un instant. Pour donner un ordre de grandeur, l’expiration dure environ un quart de seconde, tandis que l’inspiration prend trois quart de seconde.
Enfin, il faut veiller à mobiliser totalement les poumons : chaque expiration doit assurer un vidage complet.
Si ces principes simples sont aisément compréhensibles, leur application pourra néanmoins prendre un peu plus de temps.
· Une mise en œuvre progressive
La patience et la prudence sont plus que jamais nécessaires pour aborder
de façon sécurisée cette technique du Yoga. Il est en effet nécessaire
que le corps s’habitue en profondeur à cette pratique, et ce temps de maturation ne peut absolument pas être accéléré. Il sera donc indispensable de respecter son propre rythme.
Ainsi on veillera d’abord à bien identifier et ressentir chacune des
caractéristiques citées plus haut. On prendra donc trois expirations en
mettant l’accent sur la puissance, puis trois autres en se focalisant
sur la rapidité ; enfin trois dernières en assurant le vidage complet
des alvéoles pulmonaires. Une fois ces trois aspects bien dissociés, on
veillera à les réunir, à les conjuguer dans une même expiration.
Une fois cette phase d’apprentissage dépassée, on commence à mettre en œuvre quelques séries d’expirations. On effectue une série de trente expirations correctes. Puis on marque une petite pause pendant laquelle on prend trois respirations profondes.
Lors de cette interruption on est à l’écoute de ses sensations, on
prend conscience de leur évolution, de leur transformation. On
recommence ensuite une nouvelle série de trente expirations avant de s’interrompre à nouveau brièvement. Puis, on le refait une dernière fois.
Les débutants pourront se limiter à cela. Mais bientôt ils pourront
progressivement accroitre le nombre d’expirations par série : quarante,
cinquante, soixante, .... Cela se fera avec naturel, avec aisance et
sans aucune préméditation. De la même façon, le nombre de séries pourra
être augmenté : trois, puis quatre, puis cinq.
Le temps de repos pourra lui aussi être allongé en fonction de la fatigue ressentie et des ajustements inévitables.
Pour résumer, une personne totalement débutante pourra commencer en adoptant le cycle court suivant :
. Une série de 30 expirations
. Une pause de 3 respirations profondes
. Une série de 30 expirations
. Une pause de 3 respirations profondes
. Une série de 30 expirations
. Une pause de 3 respirations profondes.
Elle s’arrêtera là.
Le lendemain, ou quelques jours plus tard, la personne pourra adopter un cycle un peu plus long :
3 séries de 40 expirations, entrecoupées d’une courte pause.
Les jours suivants : 3 séries de 50 expirations, entrecoupées d’une courte pause.
Les jours suivants : 4 séries de 60 expirations, entrecoupées d’une courte pause.
Les jours suivants : 4 séries de 70 expirations, entrecoupées d’une courte pause.
Les jours suivants : 4 séries de 80 expirations, entrecoupées d’une courte pause.
Ce sera très bien pour un niveau de pratique qui correspond à l’apprentissage et à la familiarisation.
· Un rythme agréable
La question du rythme de la pratique est une question fondamentale : ce
mouvement ne doit pas être forcé, arbitraire. Il doit se placer
naturellement.
Il est ainsi conseillé de commencer lentement, comme une locomotive à vapeur qui démarre. Cette lenteur facilite une exécution correcte.
Ensuite, ce rythme deviendra plus rapide, sans que cette accélération
n’ait rien d’artificiel, ni de prémédité. Il n’y a pas un tempo à
respecter comme sur une partition musicale : tout sera actualisé en
fonction des perceptions. On constatera simplement que ce rythme
s’accélère à mesure que la pratique devient de plus en plus confortable,
et on n’y verra pas la preuve d’un progrès quelconque dans la pratique.
Seuls comptent les bienfaits que l’on ressent.
On n’empêchera pas le mouvement de devenir plus entrainant, plus
allègre. Il pourra ainsi atteindre cent vint expirations par minute.
Tout sera affaire de justesse et de ressenti.
4. La concentration
Comme toutes les pratiques de Pranayama, Kapâlabâthi exige une bonne concentration.
L’attention se trouve placée au niveau du nombril. Au départ, on se focalisera sur le corps physique : on veillera ainsi à ce que le nombril rentre suffisamment à chaque expiration (quatre centimètres environ). Une fois que cette phase assurée correctement, on se focalisera sur le corps énergétique : l'attention demeurera placée sur le chakra du nombril (Manipura chakra) qui est situé sur le canal central (approximativement devant la colonne vertébrale), à la hauteur du nombril.
Durant l’enchainement des respirations, l’esprit reste ouvert, spacieux et
réceptif : il accueille et enregistre les perceptions dans leur
spontanéité naturelle. Quand notre esprit se surprend lui-même à suivre
une pensée, on s’abstient alors de se morigéner : on revient simplement au
support de concentration, c’est tout, sans être affecté.
5. Que se passe-t-il
Il est indubitable que Kapâlabâthi implique
une mécanique respiratoire particulière. Toutefois, cette pratique
n’entraine pas une modification du rôle assuré par chaque muscle. Que ce
soit dans la respiration ordinaire, dans la respiration en trois
parties, ou dans Kapâlabâthi ce
sont toujours les mêmes muscles dont la contraction assure
l’inspiration et l’expiration. Ce qui change entre ces différents modes
de respiration c’est la mobilisation plus ou moins importante de ces
muscles.
Dans la respiration ordinaire, on fournit un effort lors de
l’inspiration. Cette phase est dite active car la contraction du
diaphragme et des muscles intercostaux fait entrer l’air dans les
poumons. Et, l’expiration est dite passive car elle ne demande aucun
effort : le relâchement des muscles mobilisés à l’inspiration suffit à
assurer la sortie de l’air des poumons.
Dans Kapâlabâthi le primat est accordé à l’expiration.
On laisse l’inspiration s’effectuer de façon reflexe, ce qui est une
modification par rapport à la respiration ordinaire, mais aussi par
rapport à la respiration en trois parties. On se focalise sur la
vigoureuse contraction des muscles abdominaux : le raccourcissement
éclair des muscles grands droits et transverses
amène le nombril à rentrer d’environ quatre centimètres. Les viscères
se trouvent alors refoulés vers l’arrière et vers le haut. Ce
déplacement facilite le soulèvement du diaphragme et le complet vidage
des poumons.
![]() |
la contraction des abdominaux(1) favorise le soulèvement du diaphragme (2), ce qui conduit à une meilleure expiration (3) |
Comme nous l’avons indiqué, durant tout l’exercice, le torse reste
bombé. Or ceci n’est pas habituel. Dans la respiration ordinaire, comme
dans la respiration en trois parties, les muscles intercostaux externes
et les muscles surcostaux assurent l’ouverture du thorax et l’élévation
des côtes supérieures. Mais, dans la respiration ordinaire, ces muscles
se relâchent à l’expiration. Or, Ici, dans Kapâlabâthi, il n’en est rien : le tronc reste ouvert et demeure figé durant tout le temps de la pratique.
Il y a donc dans ce Pranayama une mobilisation particulière des muscles respiratoires qui requiert une bonne concentration.
Heureusement, les bienfaits qui découlent de cette pratique compensent
très largement les petits efforts que sa mise en œuvre réclame.
6. Les erreurs fréquentes
Comme pour tout exercice, la mise en œuvre de Kapâlabâthi peut s’accompagner d’erreurs. Heureusement, pour chacune d’elles, un remède approprié peut aisément être mis en place.
· Ne pas avoir régulé l’activité mentale
Notre esprit, imprégné de ses pensées et de son mode de fonctionnement habituel, risque d’aborder Kapâlabâthi
comme une simple technique. Sortant du travail, l’esprit encore tourné
vers la conversation que l’on vient d’avoir sur son portable, on se
jette sur Kapâlabâthi comme
on traiterait le dossier d’un client, ou une tâche ordinaire. Or, la
pratique du Yoga, plus qu’une somme d’actions, représente avant tout une
certaine façon d’être avec soi.
Elle exige donc une régulation de l’activité mentale. Il est donc
indispensable d’aménager « un sas de décompression » entre nos activités
ordinaires et la mise en œuvre de Kapâlabâthi.
Après avoir ravivé dans notre esprit l’excellente motivation qui nous
tourne vers le Yoga, on laissera notre esprit se décanter à travers la
méditation du calme mental. Lorsque l’esprit sera suffisamment déprit de
son attrait pour les pensées, on pourra alors s’ouvrir pleinement à
l’expérience de Kapâlabâthi.
· Bouger le tronc
Voulant chasser pleinement l’air des poumons on peut être tenté à chaque
expiration de vouter le haut du tronc et de rapprocher les épaules
l’une de l’autre. Cette application, cet effort sont méritoires, sans
être toutefois appliqués à la bonne partie du corps: la cage thoracique
doit demeurer immobile, en position ouverte, tandis que le nombril
rentre sous l’effet de la sollicitation des muscles abdominaux.
Pour corriger cette erreur on peut placer le dos contre un mur en
veillant à garder les omoplates en contact avec lui. On peut aussi
placer une main sur les flancs afin de veiller à ne pas mobiliser les
muscles intercostaux. Enfin, la main placée sur le nombril nous aide à
placer notre effort à cet endroit.
· Faire la course
Une autre maladresse consiste à démarrer à toute allure. Or, la rapidité qu’exige Kapâlabâthi est seulement celle de l’expiration au regard de l’inspiration.
Pour corriger cette erreur on se remémore d’abord les proportions
suivantes : ¼ du temps pour l’expiration, ¾ pour l’inspiration. Ensuite,
on s’oblige à bien séparer ces deux phases de la respiration en
produisant le bruit d’une locomotive à vapeur qui se met en marche lentement,
progressivement, puis de façon plus déliée. Alors, le rythme approprié à
chaque instant de la pratique se présentera, de façon naturelle.
Cette façon d’aborder Kapâlabâthi devrait seule guider notre approche et donc être systématiquement utilisée. Car on ne connait pas a priori le rythme correct dont nous avons besoin.
On pourrait se dire : « Oui, mais tel jour, j’ai terminé la série au
rythme de 120 expirations par minute ». Et alors ? Hier n’est plus, pas
plus que la minute qui vient de s’écouler. Seul le présent existe qui
s’écoule d’instant en instant, comme l’eau d’un fleuve qui passe. Et la
seule chose que je puisse faire est d’être présent à ce flux et vivre
pleinement chaque instant qui s’égrène. Telle est l’approche du Yoga.
· Ne pas remplir pleinement les poumons
Une quatrième erreur consiste à garder une « petite respiration » : on
vide bien les poumons mais sans les avoir complètement remplis ! Ainsi,
on se contente d’inspirer un demi-litre d’air et d’évacuer cette même
quantité d’air à l’expiration. On se contente donc de mobiliser la
partie supérieure des poumons, laissant ainsi inactives la grande
majorité des alvéoles pulmonaires. Finalement on a conservé notre
respiration ordinaire, pauvre, étriquée, superficielle, en l’ayant
seulement rendue plus rapide. Résultat : on respire de façon haletante,
comme un petit chien nerveux, et on se sent rapidement mal, oppressé,
stressé ; bref, tout le contraire de ce que l’on recherchait.
Seule la vigilance peut nous protéger de cet égarement.
· Sacrifier la puissance à la célérité
Kapâlabâthi est une pratique vigoureuse qui exige un effort musculaire intense. Pour
plus de commodité, on peut être tenté d’accroitre la rapidité de
l’exécution, mais en expulsant l’air moins puissamment qu’exigé. Le
résultat ne tarde pas : on s’épuise prématurément, alors qu’on pensait
s’économiser.
Si notre diaphragme et nos abdominaux sont peu fortifiés, il vaut mieux
alors réduire le nombre de nos expirations : par exemple, ne faire
qu’une trentaine d’expirations, plutôt qu’une centaine, marquer une
pause en prenant quelques respirations profondes, puis recommencer une
autre série de trente expirations, et ainsi de suite. Cette approche progressive nous permet alors de recueillir les bienfaits de la pratique, tout en permettant à nos muscles de s’étoffer progressivement.
7. Les signes annonciateurs d’une pratique correcte
Au bout d’une minute ou deux, on perçoit plusieurs signes qui nous révèlent que la pratique s’accomplit correctement :
· La région des fosses nasales est devenue particulièrement sensible. On perçoit que le frottement vigoureux de l’air a rendu cette zone excitée, particulièrement réceptive. En plaçant notre attention à cet endroit, on sent qu’on y puise pleinement le Prana, l’énergie vitale présente dans l’air.
· La
peau du visage nous cuit, comme si on avait pris un léger coup de
soleil. Cette sensation résulte de la dilatation des vaisseaux sanguins.
· Puis,
la sensation de chaleur particulièrement perceptible dans le haut du
corps se diffuse dans les différentes parties de l’organisme. Bientôt
l’activation du feu intérieur fera apparaitre une légère transpiration.
· Notre esprit nous apparait beaucoup plus clair, comme lorsqu’une brume se lève au printemps et que le paysage apparait soudain coloré, vivant, lumineux.
· Notre tête semble rayonner, briller, scintiller, comme si des faisceaux de lumière en émanaient.
· Une émotion de joie s’éveille en nous, mêlée de confiance. On se sent pétillant, vif, rempli d’énergie et d’entrain, comme au sortir de l’hiver, lorsque la vigueur du printemps tout à coup ressurgit.
Il est important de se laisser surprendre par l’apparition de ces manifestations : ne pas les rechercher, mais les recueillir simplement lorsqu’elles se déploient.
Ces signes fugaces nous préviennent que « quelque chose » se passe. Ils
ne doivent pas être confondus avec les bienfaits profonds, à long terme
qui découlent de la mise en œuvre de cette technique.
8. Les bienfaits
Les bienfaits de Kapâlabâthi sont nombreux et peuvent être rangés en quatre catégories :
81. Les effets physiologiques
· Pleine mobilisation des poumons et vivification de l’organisme
Les alvéoles pulmonaires, situées aux extrémités des bronchioles,
assurent une mission vitale pour notre organisme. Elles sont, en effet,
le siège des échanges gazeux : lors de l’inspiration, ces alvéoles
captent l’oxygène qui se trouve transmis au sang, et en extrait, en
retour, le gaz carbonique qui se trouve évacué lors de l’expiration.
De taille infime- elles possèdent un rayon de 0,1 mm-, mais en nombre considérable -environ 300 millions- ces alvéoles déploient une surface totale étonnante : 75 m2. .
représentation des alvéoles pulmonaires remplies par l'air |
La
mobilisation soudaine des alvéoles pulmonaires sous utilisée va
permettre une excellente oxygénation de toutes les cellules du corps et
par conséquent une revitalisation de tout l’organisme.
· La fortification de la ceinture abdominale
Il suffit d’accomplir une série d’expirations pour se rendre compte que Kapâlabâthi
renforce considérablement la musculature abdominale. En plaçant la main
sur le nombril on perçoit bien la vigoureuse contraction des muscles
grands droits qui s’insèrent, en haut, sur les côtes flottantes et le
sternum, et en bas sur le pubis. Mais cette action sur les muscles les
plus superficiels est complétée par une mobilisation plus profonde du
muscle transverse qui permet de rentrer le ventre et des petits obliques
qui sont des muscles expirateurs.
· la stimulation des viscères abdominaux
La rétraction des muscles abdominaux refoule et comprime les viscères vers l’arrière et vers le haut. L’action de Kapâlabâthi
porte essentiellement sur la partie supérieure de l’abdomen, entre le
nombril et la pointe du sternum (appendice xiphoïde). Cette technique
masse ainsi en douceur et en profondeur le foie, l’estomac, le pancréas
et le colon transverse, contribuant ainsi à les régénérer.
Toutefois, l’action stimulante de Kapâlabâthi sur le système digestif est moins vigoureuse que celle occasionnée par Uddiyana bandha.
82. Les effets psychologiques
Les bienfaits psychologiques de Kapâlabâthi découlent de son action équilibrante sur le système nerveux.
La rentrée répétée de l’abdomen a pour effet de masser le plexus solaire. Ce brassage interne tend
à équilibrer le fonctionnement des deux composantes du système nerveux
végétatif, le sympathique et le parasympathique. Cette régulation se
traduit par une agréable sensation de détente et provoque le
déclenchement de bâillements à répétition.
Kapâlabâthi est
ainsi particulièrement précieux pour dissiper la nervosité et les
effets néfastes du stress. Il aide vigoureusement à mettre à distance
les états anxieux et dépressifs.
Kapâlabâthi procure une
profonde joie de vivre, de l’entrain et un grand enthousiasme. Les
projets fleurissent dans notre esprit. On sent qu’on dispose des
capacités nécessaires pour les mener à bien.
83. Les effets énergétiques
Kapâlabâthi active le feu intérieur dans la région du nombril, siège de manipura chakra.
Cette technique de Pranayama a aussi un effet stimulant sur ajna chakra. Kapâlabâthi clarifie
ainsi l’esprit et aide à dissiper les doutes. Il favorise la
dissolution des illusions, des croyances erronées, permettant ainsi au
pratiquant de mieux accéder à la nature des phénomènes. En cela cette
pratique favorise l’intégration de la sagesse.
84. Les effets esthétiques
![]() |
Action du muscle transverse sur toute la ceinture abdominale |
La ferme mobilisation des muscles abdominaux et du muscle transverse
(qui s'insère sur les sept dernières cotes , les cinq vertèbres
lombaires et la crête iliaque) diminuent l’embonpoint et affinent la
taille.
9. Contre-indications
La prudence est requise en cas de problème pulmonaire ou d’asthme : une
telle difficulté n’interdit pas la pratique, mais exige une attention
particulière et une approche très progressive.
Les personnes souffrant de difficultés cardiaques peuvent accomplir Kapâlabâthi dans la forme modérée qui est ici exposée, et en adoptant un rythme posé.
Enfin, on notera que l’hyper oxygénation qui découle de Kapâlabâthi
peut engendrer parfois un léger étourdissement, ainsi qu’une sensation
de griserie. Ces signes sont passagers et ne doivent pas conduire à
l’interruption de la pratique.
CONCLUSION
Kapâlabâthi n’est pas une pratique de Pranayama facile à réaliser. Elle requiert un équilibre particulier entre maitrise et lâcher prise. La
puissance, la rapidité et le caractère complet de chaque expiration
doivent être contrôlés. Par contre, le rythme de succession des
respirations, leur nombre pour chaque cycle, ainsi que le nombre total
de cycles, tout cela est ouvert, actualisé en fonction de ce qui se
passe à chaque instant, en fonction des sensations perçues par le pratiquant.
Kapâlabâthi exige aussi de
la patience : un temps de maturation est indispensable pour se
familiariser et obtenir des résultats. Les premiers mois de pratique
conduiront à un certain niveau d’intégration. Les mois et les années
suivantes élargiront ce champs et donneront accès à d’autres aspects. Kapâlabâthi est ainsi comparable à un diamant dont les facettes ne se dévoilent que progressivement.
A quoi bon d’ailleurs être pressé ? On ne ferait que se bruler les ailes
comme ces lucioles fascinées par la clarté éblouissante d’une flamme.
Il faut se rappeler qu’avec Kapâlabâthi, les
ajustements qui s’accomplissent dans notre corps physique, notre corps
subtil et notre esprit ne peuvent, sans danger, être brusqués.
Kapâlabâthi requiert aussi un certain calme : l’esprit doit reposer paisiblement avant la mise en œuvre de l’exercice et durant
tout son accomplissement. Seulement alors, le nombre d’expirations et
leur rythme de succession se placeront de façon naturelle et juste.
Quand on aura obtenu certains résultats, la pratique de niveau intermédiaire se mettra alors en place d’elle-même.
christian LEDAIN
Bibliographie :
Anatomie pour le mouvement, Blandine Calais-Germain, tome 1, édition Desiris, 1997
Hatha Yoga Pradipika, édition Fayard,1974, II, 35 (page 143et 144)
Le grand guide visuel du corps humain, Dr Alice Roberts, Person France, 2010
Le Souffle, parole de vie, Shri Mahesh, éditions du rocher, 1998, pages 122-124
Le Yoga , Maud Forget, Chancerel éditions, 1976, page 27
Pranayama, andré van Lysebeth, Flammarion, 1981, pages 201-211