Makarasana

Makarasana constitue un nom générique attribué à différentes postures. Celles que nous allons examiner ici sont réalisées dans la position allongée sur dos. 

Ces postures présentent une caractéristique commune : elles mettent en œuvre une double torsion dans le bas du dos et dans la région cervicale.

Trois raisons essentielles justifient un examen détaillé de Makarasana. Tout d'abord, ces postures présentent un caractère universel : Makarasana ne présente aucune difficulté technique, ce qui les accessibles mêmes aux personnes très âgées, ou à la mobilité réduite. Par ailleurs, Makarasana n'exige que très peu d'efforts physiques, ce qui permet à chacun d'entre nous de conserver longtemps la posture, sans se fatiguer. Enfin, ses bienfaits sont immenses, comme nous le verrons.

 

1·         Signification du nom

 
Makarasana, est souvent traduit par les Occidentaux un peu pressés par "posture du crocodile". Toutefois, cette traduction est réductrice et conduit à un contresens. 

Makara est un animal fabuleux, un monstre marin présent dans la mythologie indienne. Son corps est composé, pour l'essentiel, par la forme d'un crocodile. Cependant, sa gueule se termine par une trompe d’éléphant. Quelle est donc la signification de cette forme hybride ?

Le corps du crocodile symbolise une puissance, une énergie extraordinaire, surhumaine. Mais cette énergie s'avère redoutable, proprement dévorante.

La bouche en forme d'éléphant vient effacer cette menace, la transmuter complètement : l'énergie potentiellement dangereuse devient force d'amour

C'est pourquoi dans l'iconographie hindoue, Makara représente le support physique d'une déité importante : le dieu des eaux de l'Inde védique, Varuna.


Makara, véhicule du dieu Varuna (Rajahstan, 17eme siecle)

L'importance  accordée au crocodile se trouve encore renforcée dans l'Inde du Nord : Makara devient la monture de Ganga (le Gange), tout à la fois déesse et fleuve nourricier pour des centaines de millions d’Indiens.  

Makara , véhicule de la déesse Ganga

Un occidental qui n'est pas imprégné de la culture indienne pourra toutefois aisément comprendre la signification symbolique de Makara s'il se réfère aux découvertes de S. Freud sur l'inconscient. Il est aussi possible de faire appel aux travaux contemporains du neurobiologiste Paul D. Mac Lean sur le cerveau « tri unique » de l’homme.

Pour Mac Lean, le cerveau humain comprend trois composantes qui sont apparues successivement au cours de l'évolution.  Ainsi, la zone la plus ancienne, appelée cerveau reptilien, régit les fonctions élémentaires liées à la survie de l’espèce : agressivité, sexualité, satisfaction de la faim et de la soif. Une région plus récente, propre aux mammifères, assure l’épanouissement des émotions et l’épanchement des liens affectifs. Enfin, une dernière composante de notre cerveau, spécifiquement humaine, nous permet de déployer une pensée abstraite et de comprendre le langage symbolique.

Dès lors, la signification de la posture Makarasana devient très claire. Grâce à sa maitrise du corps subtil (canaux, souffles,chakras), le Yogi va pouvoir éveiller l’énergie vitale. Mais cette puissance qui, si elle n’était pas canalisée pourrait être destructrice pour soi et pour autrui, va être transmuée en amour altruiste inconditionnel et en sagesse véritable

Comment cette énergie vitale se trouve-t-elle activée ? Comment le Yogi parvient-il à la transformer en puissance d’amour universel et en sagesse ? C'est ce que nous allons préciser ici. 

 

2. Technique

 

        21·   Principes généraux

La mise en oeuvre de Makarasana est très facile parce que nous devons à chaque fois faire la même chose. La charge de notre mémoire se trouve allégée et nous allons donc pouvoir génerer une bonne concentration.

L’adepte est allongé sur le dos avec les bras placés en croix, bien tendus. Les paumes sont, de préférence, tournées vers le sol afin d'assurer l' immobilité du haut du dos.

Le pratiquant installe ensuite une double torsion, dans le bas de son dos et dans sa région cervicale. Quand on accomplit les mouvements du corps, les pieds commencent toujours à partir vers la gauche . De plus, la tête est systématiquement orientée dans le sens inverse des pieds. 

Enfin, le pratiquant procède à chaque fois à une rétention de souffle, poumons pleins. Et le périnée est maintenu fermement contracté durant toute la suspension de la respiration.

Il nous est tout à fait possible de ne pratiquer qu'une ou deux postures décrites ci-dessous. Mais il est aussi possible d' enchainer ces postures dans une série. On veillera alors à bien respecter l'ordre qui vous est présenté ci-après car il existe une gradation entre ces postures : elles sont de plus en plus puissantes .

22·         PREMIERE POSTURE

 ·         Placer le corps dans la position de départ.

 

 

Allongé sur le dos, l’adepte plaque les deux pieds l’un contre l’autre et veille à l’alignement exact de sa colonne vertébrale. Le bas du dos est rapproché du sol et le menton se trouve abaissé afin d’estomper les courbures de la colonne vertébrale.

·        les bras en croix

 



Les bras sont placés en croix, bien tendus.

Ce positionnement particulier des bras a pour effet de plaquer le haut du tronc au sol : cette zone constitue ainsi le point d’équilibre en-dessous et au-dessus duquel les deux torsions de la colonne vont être placées de façon harmonieuse. Sans une telle disposition des bras, le bassin risquerait  de basculer brutalement d’un coté, sous l’effet de son poids, endommageant ainsi les disques intervertébraux de la région lombaire. La position des bras permet ainsi à l’adepte de mieux maitriser les mouvements de son corps , et d' identifier ses limites pour une pratique totalement sécurisée.

 ·        le positionnement des pieds


On soulève le pied droit pour placer le talon droit sur le gros orteil gauche (ou bien dans la "fourchette" existant entre le gros orteil et celui qui lui est immédiatement voisin).

 ·           le placement de la double torsion

 La décomposition méticuleuse de la posture est l'une des clefs de ses bienfaits.

 


L’adepte inspire lentement en trois parties (abdomen, thorax, épaules). Puis, il retient le souffle, les poumons pleins, sans forcer. Comme la torsion va accentuer la pression à l’intérieur des poumons, il est important de se sentir à l’aise lorsque les poumons sont remplis.

Le périnée se trouve alors vigoureusement contracté, comme si on voulait le tirer vers le sommet du crâne.

Les pieds partent tout d’abord vers la droite, tandis qu’on fait pivoter le bassin du même côté. Dans le même temps, le visage se tourne vers la gauche. Durant ce double mouvement , le périnée est demeuré fermement contracté et la concentration est restée focalisée à cet endroit. On ne se laisse ainsi pas distraire par les déplacements du corps.

Sans s'immobiliser, on fait remonter les pieds et la tête qui se tournent alors respectivement du côté opposé : les pieds vers la droite et la tête vers la gauche. Puis, les pieds et la tête se redressent et reviennent en position initiale.

Alors seulement, on expire et on relâche le périnée.

On reprend aussitôt une profonde inspiration et on recommence. On le fait trois fois en tout.

Les débutants seront peut être tentés d'aller trop vite. Or, il est indispensable de prendre son temps : ne pas simplement faire, mais ressentir pleinement en faisant.

Il importe donc de bien faire partir l’inspiration du ventre, pour sentir ensuite l’ouverture du thorax, et enfin le soulèvement des épaules.

On veillera aussi a bien décomposer la double torsion : si on veut tourner les pieds en même temps que la tête, on risque de ne faire bien ni l’un ni l’autre. Quand on aura maintes et maintes fois pratiqué cette posture et ressenti ses bienfaits, on pourra alors tourner concomitamment les pieds et la tête.

 ·            Placer la torsion dans l’autre sens

 Le talon gauche est maintenant posé sur le gros orteil droit. A cette distinction près, l’enchainement se déroule exactement de la même façon que précédemment.

On inspire profondément et on retient le souffle en contractant le périnée. Alors, les pieds se tournent vers la droite pour commencer, puis la tête s’oriente vers la gauche. Puis les pieds et la tête se tournent respectivement dans l’autre direction. Enfin, les pieds et la tête se redressent. Alors on expire et on relâche le périnée.

Ceci constitue la réalisation de la première posture.
On insistera sur un fait : les pieds commencent toujours à partir vers la droite.

 

   23. DEUXIEME POSTURE

    .  la position de départ


Allongé sur le dos, l’adepte plie les genoux, rapproche les deux pieds et plaque les genoux l’un contre l’autre. La flexion des genoux installe automatiquement la bascule du bassin : la région lombaire se trouve spontanément plaquée au sol. Le menton est abaissé pour bien dégager la nuque.

Les deux jambes sont placées l’une contre l’autre mais vont se déplacer de façon autonome l’une par rapport à l’autre. Ainsi, quand les deux jambes descendront d’un côté, les genoux ne resteront pas nécessairement plaqués l’un contre l’autre. Chaque jambe "vit" en quelque sorte "sa propre vie", c’est à dire descend plus ou moins.

Les bras sont placés en croix, les paumes tournées vers le sol.

 

                    le placement de la double torsion

 

L’adepte inspire lentement en trois parties (abdomen, thorax, épaules), puis retient le souffle, les poumons pleins, sans forcer. Le périnée se trouve alors vigoureusement contracté.

Les pieds et les genoux partent d’abord vers la droite, tandis qu’on sent le bassin pivoter du même côté. Puis, le visage se tourne vers la gauche.

On veille à garder bien ferme la contraction du périnée durant tout le déplacement du corps.

Puis, on fait remonter les genoux et la tête qui se tournent respectivement du côté opposé : les genoux vers la gauche et la tête vers la droite. On demeure un instant immobile, le périnée bien ferme. Puis, les pieds et la tête se redressent et reviennent en position initiale.

Alors, on expire et on relâche le périnée.

On reprend aussitôt une profonde inspiration et on recommence. On le fait trois fois en tout.

Ceci constitue la réalisation de la deuxième posture.

 

24. TROISIEME POSTURE

                    .  la position de départ

Allongé sur le dos, l’adepte plie les genoux et pose les pieds au sol.


  Les deux pieds et les deux genoux sont largement écartés. Il serait souhaitable d’installer un écart entre les deux pieds qui corresponde à la longueur de notre tibia (le bas de la jambe).

  Les bras sont toujours placés en croix.

             le placement de la double torsion

 

      Les indications sont exactement les mêmes que pour la deuxième posture.

Comme on peut aisément le constater, il existe une gradation dans l'accomplissement des postures. Non seulement la torsion dans la région lombaire se trouve de plus en plus marquée, mais encore l'activation de l'énergie se trouve de plus en plus accentuée au niveau du périnée. Aussi faut il veiller, gràce à la concentration, à stabiliser de plus en plus l'esprit. Le principe de base qui régit la circulation de l'énergie est le suivant : l'énergie se rend là où l'esprit se place. Il est donc indispensable que l'attention demeure au niveau du périnée contracté.

 

    25. QUATRIEME POSTURE

    Cette phase finale se différencie des précédentes car elle ne comporte pas de torsion de la colonne vertébrale. Néanmoins, il faut être très vigilant : comme on redresse alors l'épine dorsale, l'énergie va s'élever dans le canal central. Il est donc necessaire qu'elle emprunte un bon chemin, ce qui exige une bonne concentration. 

      Comme dans les phases précédentes, on inspire en remplissant pleinement les poumons, sans forcer. Puis, on retient le souffle. On contracte alors le périnée et l'on demeure constamment concentré sur cette contraction sans se laisser distraire par les mouvements accomplis par notre corps.

      Allongé sur le dos, on plie les genoux, on les attrape en ayant les bras tendus (attention, il est important de ne pas confondre cette posture avec Pavanamuktasana qui nous est extrêmement familière : ne pas avoir les coudes fléchis).

Les mains attrapent les genoux. Les bras sont tendus.

      On pousse alors les genoux lentement devant soi (voir la flêche dans le dessin ci-dessus). Les bras étant tendus, et faisant office de courroie de transmission, cette force exercée vers l'avant provoque le décollement progressif de la tête et du dos. Rappelons que l'attention doit rester constamment placée au niveau du périnée.

      Lorsque les genoux sont poussés le plus loin possible et que les pieds sont rapprochés du sol, on demeure alors quelques instants immobile (2 ou 3 secondes). Puis, on commence à pousser les genoux moins puissamment devant soi, ce qui fait que les vertèbres lombaires se redéposent une à une au sol, sans précipitation. Lorsque l'arrière du crâne repose à nouveau par terre, on relâche le périnée en expirant.

     On recommence trois fois, sans forcer.

3.         Les étapes dans la pratique

Comme pour tout exercice de Yoga, plusieurs niveaux de pratique peuvent être identifiés. Il est, par contre, absolument impossible de prédire à l’avance combien de temps durera chacune de ces phases, tout ceci étant personnel. Seule l’obtention de certains résultats révélera au pratiquant là où il se trouve dans sa progression.

    . phase d'apprentissage

Le pratiquant s'évertue à réaliser correctement les différentes postures d’un point de vue technique. Il se familiarise avec la contraction du périnée qu'il perçoit progressivement de façon plus claire et qu'il parvient à maitriser. Les personnes qui ont un peu de difficulté à identifier ce muscle peuvent contracter le sphincter anal.

Cette phase d'apprentissage est la plus importante car c'est là que les erreurs les plus fréquentes sont commises. La recommandation fondamentale est celle de ne pas forcer :

                    - ne pas forcer le remplissage des poumons : on prend une inspiration en trois parties, sans chercher à faire entrer le maximum d'air dans les poumons. De plus, la rétention du souffle ne doit pas être gênante : croire que plus on retiendrait longtemps l'air dans les poumons, plus on obtiendrait de résultats, serait une erreur. La suspension de la respiration doit être confortable et ne doit pas engendrer d'essoufflement.

                    - ne pas pratiquer avec un excès de volonté. Aspirer à obtenir un très bon état de santé, et pour cela accepter de fournir quelques efforts est fort louable, et même excellent. Cependant, il ne faut pas vouloir à tout prix obtenir une activation de l'énergie. L'esprit ne doit pas être trop tendu vers l'obtention d'un résultat, mais doit demeurer tranquille, paisible. Trop tendue, la corde de l'arc casse. 

                    - ne pas s'entrainer trop longtemps. Se dire : "Nous sommes samedi, les enfants sont chez des amis, je suis enfin tranquille. Ce matin, je m'y mets de 10h00 à 11h00 !" ne serait pas de bon augure car cet effort prolongé serait violent pour le corps énergétique et risquerait de l'endommager. Une mise en oeuvre d'un quart d'heure des crocodiles serait, par contre, un gage de succès, une approche à la fois respectueuse et efficace. 

Lors de cette phase d'apprentissage plusieurs signes peuvent se manifester qui révèlent une activation de l'énergie. Par exemple, l’adepte se met à bailler de façon répétée lors de sa pratique. Ou bien il perçoit une sensation très agréable dans le bas de son ventre. Ou encore, une impulsion, un tressautement semble surgir du périnée, comme si une porte s'entrouvrait. Il se peut aussi que l'adepte ne perçoive rien de particulier sur le moment, mais que, quelques heures plus tard, ou le lendemain, il se sente en forme, joyeux, dispos, enthousiaste, et cela de façon apparemment inexpliquée.

Parfois, si une personne pratique en fin d'après-midi, ou en début de soirée, il se peut qu'elle se sente en pleine forme à l'heure de se coucher et qu'elle ne s'endorme que vers deux ou trois heures du matin. Le lendemain, elle ne se sentira pas du tout fatiguée et mènera même sa journée tambour battant. Il s'agit incontestablement là d'une manifestation de l'activation de l'énergie. Bien sûr, veiller jusqu'au beau milieu de nuit n'est pas l'objectif que nous poursuivons, mais c'est une expérience enrichissante qui nous prouve que "quelque chose -enfin !- se passe". Ce sont là des petits ajustements inévitables, tout à fait passagers, qui nous font sourire et nous rendent joyeux. La fois suivante, on parviendra encore un peu mieux à maitriser notre corps subtil pour disposer d'un flux d'énergie plus linéaire.

    . phase de familiarisation

Après cette phase d'apprentissage et de tâtonnement, on parvient à mieux doser nos efforts. On connait mieux nos réactions et on parvient à accomplir la pratique pour obtenir les effets énergétiques recherchés, c'est à dire bien réels, mais pas trop puissants. 

     Durant cette période de maturation, la mise en oeuvre des postures est devenue fluide, sans à-coups, l'adepte parvient à garder le périnée correctement contracté et la concentration est suffisante.       L’adepte fait l’expérience de beaucoup d’entrain, de dynamisme et de joie dans sa vie quotidienne. Son temps de sommeil se trouve raccourci de manière significative. 

. Pratique avancée

L'adepte utilise l'énergie qui se trouve activée non seulement pour disposer d'un excellent état de santé, mais aussi pour donner aussi plus de puissance à son esprit et obtenir les résultats supérieurs de la pratique du Yoga. Après la mise en oeuvre de Makarasana, il s'installe en posture méditative et génère d'excellents états mentaux. Il médite ainsi sur l'amour inconditionnel à l'égard des autres êtres (voir notre article sur ce sujet) afin que cette disposition d'esprit se stabilise et inspire chacune de ses actions. Il développe la concentration (voir notre article consacré ce thème) pour atteindre un état d'esprit particulièrement stable. Il médite aussi sur la nature véritable des phénomènes, par delà leur apparence trompeuse, et acquiert ainsi la sagesse

Cette dernière dimension de la pratique du Yoga, le déploiement de la sagesse, fait appel à des notions philosophiques que tous les Occidentaux ne partagent pas nécessairement. Aussi, afin de ne troubler l'esprit de personne n'en sera-t-il pas fait état plus avant ici puisque notre cours de Yoga est destiné à tous.

Ainsi, grâce aux bienfaits de Makarasana, l'esprit du pratiquant se transforme au fil du temps, évolue favorablement. L’adepte est alors constamment inspiré par le souhait de prendre soin de soi et de veiller au bien de tous les êtres vivants. L'énergie activée par la posture du crocodile sert alors à l’accomplissement de nombreux actes nobles, vertueux, qui seront des causes de bonheurs futurs. 

 

4.         L'énergie :

Pour les adeptes du Yoga une puissance, nommée Kundalini, réside dans le corps de chaque être humain. Chez les êtres qui ne pratiquent pas le Hatha Yoga cette puissance est présente seulement à l'état latent. Chez l'adepte, cette énergie s'éveille progressivement.

Le siège de cette énergie est le périnée qui correspond à Muladhara Chakra (centre énergétique de la base du corps). Certains Yogis le situent au niveau du sphincter anal.

La contraction du périnée, associée à une bonne concentration, permet l'activation de cette énergie qui pénétre alors dans le canal central (Sushumna).

Les représentations picturales indiennes du corps énergétique avec ses canaux et ses cercles (chakras), sont maintenant devenues familières aux Occident. 

Une sculpture du célèbre temple de Mahabalipuram revêt une importance particulière. Elle montre la déesse Ganga qui se tient debout sur sa monture, Makara. La déeesse symbolise ici les qualités vertueuses développées par le pratiquant du Yoga grâce à l'activation de l'énergie, représentée par Makara.  On voit la déesse enlacer avec ses bras deux lianes qui figurent les deux canaux énergétiques latéraux, Ida et Pingala. Ces deux canaux s'entrecroisent à des endroits particuliers du corps énergétique, nommés chakra.  (voir ci-dessous). 





La déesse Ganga repose sur sa monture, Makara, entourée des deux canaux énergétiques principaux (temple de Mahabalipuram, Inde).


5.         Les bienfaits :

L’énumération des immenses bienfaits de Makarasana suffit à faire d’elle une posture fondamentale du Hatha Yoga. 

Nombre de ses bienfaits nous sont sugérés par la figure mythologique de Makara, monstre propice des Védas : développement de la puissance créatrice, fécondité, déploiement de l’amour altruiste.



Makara crachant des Naga, Wat Suthat, Bangkok, Thaïlande 19e siecle

Makarasana est donc particulièrement adapté pour lutter contre les états dépressifs, retrouver de la vitalité, de l’entrain, du dynamisme. Makarasana procure une grande joie de vivre, ce qui nous permet de faire face avec plus de sérénité et de confiance aux aléas de la vie. 

Ces bienfaits psychologiques sont complétés par de nombreux effets physiologiques.

Ainsi, la torsion du bassin induit un massage interne profond de l’abdomen, lequel agit puissamment sur tous les viscères : estomac, intestins, rate, pancréas, reins se trouvent décongestionnés et revitalisés. Makarasana a donc une action magistrale en cas de constipation et de diabète. Permettant une évacuation plus rapide des déchets de l’organisme, Makarasana joue aussi un rôle important dans la prévention du cancer du colon.

Le système nerveux se trouve revitalisé grâce à la torsion qui est installée sur toute la longueur de la colonne vertébrale. Cet « essorage » agit sur les terminaisons nerveuses qui émanent de la colonne vertébrale, permettant une meilleure circulation des influx nerveux. De plus, la torsion permet de réguler le fonctionnement des glandes surrénales  qui sécrètent les hormones du stress (adrénaline, noradrénaline, cortisol). Makarasana permet donc de lutter efficacement contre les méfaits du stress qui nous épuise et de préserver le bon fonctionnement du système nerveux.

Ce brassage interne très puissant est à l’origine d’une profonde sensation de détente, de délassement qui se manifeste très rapidement.

Pratiquée avec précaution, Makarasana permet de soulager les maux de dos et d’éviter l’apparition des scolioses.

La sollicitation douce des articulations des chevilles, genoux et hanches contribue au bon fonctionnement des membres inférieurs. Makarasana va ainsi permettre à la personne de conserver sa mobilité et de continuer à marcher, même à un âge très avancé.

Enfin, à ces bienfaits 

 

6. Contre-indications et obstacles

 

Les personnes présentant des problèmes cardiaques s’abstiendront durant la mise en oeuvre de Makarasana d’effectuer les rétentions de souffle : elles respireront donc constamment, de façon ample et détendue.

Celles et ceux qui ressentent une douleur dans les épaules lorsqu’elles placent les bras en croix, auront la sagesse d' abaisser un peu les deux bras de façon symétrique.

Les personnes dont le dos est fragile et qui sont souvent sujettes aux lombalgies, cervicalgies et scolioses modérées pourront pratiquer Makarasana de façon prudente dès lors que toute crise douloureuse est passée. En effet, ce nest pas tant lamplitude du mouvement qui confère à cette posture sa réelle puissance que la conscience qu'a le pratiquant d’effectuer un mouvement juste et maitrisé. Ainsi, le bassin pourra ne bouger que de quelques millimètres : si ce déplacement est accompli en pleine conscience, alors de grands bienfaits physiques et énergétiques seront obtenus.

Il est enfin fortement déconseillé de chercher à forcer l’entrée de l’énergie dans le canal central (Sushumna). On ne parviendrait alors qu'à endommager le corps subtil et à se créer des problèmes, ce qui n'est pas l'objectif recherché.

 

CONCLUSION

Comme nous lavons vu, traduire Makarasana par "posture du Crocodile" est très réducteur. 

Il est nécessaire de réaliser que la puissance qui se trouve activée par la posture doit être transmutée en amour altruiste.

Le Makara représente dans toute l'Asie un symbole d'amour inconditionnel. Voilà pourquoi, il orne parfois le frontspice de certains temples : de même que le crocodile ne relâche jamais sa proie quand il la tient, l’amour authentique généré par le Yogi n’abandonne jamais les êtres qui sont dans la souffrance.

En pratiquant Makarasana le Yogi réalise ainsi pleinement sa véritable nature : il développe sa santé, sa puissance, et transmute l' énergie activée pour réaliser le bien de tous les êtres vivants et le sien propre.

Christian Ledain

professeur de la Fédération Française de Hatha Yoga

 

bibliographie

Louis Frederic, Dictionnaire de la civilisation indienne, Robert Laffont, collection Bouquins (articles sur Makara et Varuna)

Arthur Koestler, Le cheval dans la locomotive, Calmann-Levy Avril 1980

P. D. Mac Lean,  Les trois cerveaux de l'homme, Robert Laffont Octobre 1990  

Arthur Avalon, La puissance du serpent, Dervy Livres, 1981