Pour les Yogis, se nourrir constitue une pratique complète en soi. Les trois dimensions du Hatha Yoga - physique, énergétique et mentale - s’unissent ainsi dans l’action de se nourrir.
1. Une alimentation simple pour rassasier le corps
Les
considérations diététiques des Yogis sur l’alimentation sont assez
maigres ! D'ailleurs, dans la mesure où ils vivent souvent d’aumônes et
d’offrandes, ils seraient mal venus de faire la fine bouche, sauf à
prendre le risque de ne plus rien recevoir !
Le menu d’un Yogi
correspond donc au repas traditionnel d’un indien que l’on peut
consommer de nos jours encore dans n’importe quelle gargote. Le " régime
yogi " se compose ainsi ordinairement de dhal ( lentilles) et de
produits laitiers qui fournissent les protéines, ces " bâtisseurs des
tissus cellulaires ". Le Yogi trouve dans le riz et les galettes de
farine ( chapati) les glucides qui vont apporter la chaleur à son
organisme. Les graisses se trouvent dans le beurre clarifié ( ghee) et
les huiles végétales qui accommodent le plat. Rien que de très ordinaire
donc, d’ailleurs, vous le saviez déjà, les Yogis ouvrent rarement des
restaurants !
Rappelons cependant un conseil toujours d’actualité
pour nous : " A l'occasion d'un repas, remplissez votre estomac à
moitié. Remplissez le troisième quart avec un verre d’eau. Et laissez le
dernier quart vide pour les gaz ". Jacques Chaban-Delmas qui ne
pratiquait pas le Yoga, ou alors en cachette, expliquait ainsi à un
journaliste le secret de son étonnant dynamisme : " Je sors toujours de
table en ayant encore faim ".
Signalons enfin que selon Swami
Shivananda : " L’excès de nourriture surcharge l’estomac, rend la langue
pâteuse et l’esprit capricieux ". Alors, à bon entendeur, salut !
Plus originale est l’importance reconnue par les Yogis à la nourriture, conçue comme source d’énergie ( Prana).
2 . La nourriture est une source précieuse d’énergie
Le
Prana anime les être vivants. Que ce Prana soit présent en quantité
insuffisante, qu’il soit mal distribué ou mal utilisé, et un problème de
santé finira immanquablement par se manifester en nous.
Les sources du Prana qu’absorbent les êtres humains sont diverses.
Nous puisons essentiellement notre l’énergie dans l’air que nous
inhalons, la nourriture et les boissons que nous ingérons, ainsi que
dans le rayonnement solaire qu’absorbe notre peau ou encore dans les
échanges que nous avons avec d’autres êtres : certaines personnes vous
inspirent, vous donnent envie de faire de belles choses, tandis que
d’autres vous pompent votre énergie ! Parmi cette diversité, la
nourriture constitue indiscutablement une de nos principales sources
d’énergie.
Tous les aliments ne constituent pas une source d’énergie. Les aliments frais
sont chargés en Prana : légumes frais, pain frais, laitages frais...
Par contre, ce qui est fermenté, congelé, mis en conserve, rassis ou
mort est dépourvu de Prana.
La viande animale
est ainsi dépourvue d’énergie vitale, tout comme les boites de
conserve, les fromages fermentés, le pain rassis. Les Yogis recommandent
d’ailleurs de les jeter ! Que cela ne vous empêche toutefois pas de
déguster un bon Roquefort, si vous l’appréciez; sachez simplement qu’il
est dépourvu d’énergie vitale et qu’il vous faudra donc en trouver
ailleurs. Dans la viande vous trouverez bien sûr des constituants
chimiques, mais pas de Prana. Pour vous dissader de consommer de la
viande les Yogis complètent cet argument énergétique par une
justification morale : les animaux sont rarement volontaires pour se
rendre à l’abattoir ! Leur ôter la vie constitue donc un acte négatif
qui alourdit le karma de celui qui les tue, ce dont tout mangeur de
viande devrait se souvenir !
Le Prana est absorbé lorsque l’aliment se trouve sur la langue.
Notre langue est ainsi un instrument d’absorption du Prana. Une
pratique de purification traditionnelle consiste d’ailleurs à se placer
au soleil la bouche grande ouverte afin de prendre un bain de soleil
avec la bouche. Je vous la recommande chaudement, en évitant toutefois
les guêpes ! A la différence des Occidentaux qui ne se soucie que de la
propreté extérieure du corps, les Yogis s’assurent ainsi de leur
propreté intérieure et les pratiques de purifications ( Criyas) ne
manquent pas dans le Yoga.
Une fois l’aliment passé dans la gorge,
l’organisme ne peut plus absorber le Prana. Bien sûr, le système
digestif va décomposer ces aliments et en absorber les composants
chimiques, mais ce travail d’assimilation se réduira à cela.
Afin d’absorber le maximum de Prana, les Yogis sont donc concentrés, recueillis et silencieux quand ils passent à table. Ils prennent aussi plaisir à cette nourriture qu’ils savourent et dégustent ainsi pleinement. Mais ils le font sans attachement.
On considère que tant qu’un aliment a du goût, il recèle du Prana. Aussi les Yogis mastiquent - ils longtemps !
De
ce fait, les Yogis ont rarement besoin de beaucoup manger. Ils allègent
ainsi d’autant le travail digestif, grand consommateur d’énergie, et
disposent de beaucoup plus de ressources pour réfléchir, méditer et agir
.
Vous trouverez , sans doute, quelques Yogis épris d’austérités et
de privations de toutes sortes. Cela n’est pas nécessairement le gage
d’une grande évolution psychologique et spirituelle. Cette attitude
repose sur la croyance – que nous avons longtemps connue en Occident -
qu’il faut faire souffrir la chair pour élever l’esprit.
Personnellement, je trouve cette croyance erronée et malsaine. Se garder
des extrêmes, développer une attitude bienveillante et protectrice vis à
vis de soi me paraissent des conditions nécessaires pour évoluer avec
assurance.
Se nourrir correctement permet à notre énergie d’être
harmonieusement distribuée dans notre corps subtil. Cette attitude
protectrice est une phase nécessaire. Mais il est toutefois possible
d’aller plus avant et de faire de l’acte de se nourrir une pratique
mentale à part entière.
3. Faire de l’alimentation une véritable pratique mentale
La pratique mentale est une composante fondamentale du Hatha Yoga : c’est elle qui nous permettra de transformer progressivement notre esprit et d’aller vers plus de bonheur et de réalisation de soi.
Cette pratique peut se faire à différents niveaux.
Tout d’abord, il est important d’avoir du respect
vis à vis de ce que l’on mange. Si on consomme de la viande il est
ainsi bon d’avoir une pensée reconnaissante vis à vis de l’animal qui a
donné son corps pour nous.
Manger s’est aussi se relier à l’univers entier.
Si en prenant votre café le matin vous avez conscience que ses grains
sont parvenus par bateau de Colombie et qu’il furent chargés à bord,
dans des ballots, par de nombreux ouvriers et si vous vous souvenez que
des agriculteurs se sont appliqués à en cueillir les grains sur les
caféiers, cela donnera à votre dégustation une saveur spéciale, qui
n’est pas simplement le goût du café. Vous vous sentirez alors relié au
monde, aux autres. Vous éprouverez de la gratitude pour ce travail
accompli et pour la générosité de la nature. Vous prendrez alors mieux
conscience de votre place sur terre : vous êtes un élément d’un
ensemble, un maillon d’une chaîne précieuse. Après un tel petit-déjeuner
vous vous sentirez riche d’une expérience plus profonde et accomplirez
sans doute de meilleures actions.
Une autre pratique consiste à imaginer que vous faites une offrande
du repas que vous allez prendre à un être que vous reconnaissez comme
supérieur ( une divinité ou un maître spirituel, tels que Jésus, le
Bouddha ou Shiva,). Vous imaginez ensuite que cette offrande vous est redonnée et vous en concevez beaucoup de reconnaissance, de gratitude. Une fois ce repas pris, imaginez que l’énergie, le Prana irradie de vous
et que vous le dispensez généreusement autour de vous. Imaginez que
vous utilisez cette énergie pour accomplir des actes méritoires qui
engendrent un karma positif, des actes qui allègent la souffrance
d’autrui et qui ont pleinement du sens pour vous. Vous vous apercevrez
que vous disposez alors du ressort nécessaire pour accomplir ces actions
bénéfiques. Vous prendrez mieux conscience que votre vie dépend
d’autrui et que vous êtes dans un échange permanent. Votre repas ne sera
plus un acte égoïste. Vous vous sentirez vraiment bien, à votre place
dans l’univers, en harmonie avec les autres êtres.
CONCLUSION
Les Yogis nous enseignent que notre corps est sacré.
Pourtant, trop souvent nous le traitons comme une poubelle. Prendre
parfois le temps de manger, de savourer, sans être trop attaché à ce que
l’on mange est une expérience qui pourra vous apporter santé, joie de
vivre et harmonie intérieure.